Mémé, mami, te voilà partie, envolée, et repose ton esprit dans la mémoire de chacun de nous. A nos souvenirs de toi, je vais tenter de te mettre dans la lumière, dans le regard que mes proches te portaient. Étant l'aîné, je peux de mes souvenirs, sensations, remonter à Ginette dans sa Relette.
Nous arrivions ces étés, je ne sais pourquoi avec cette impression qu'il y faisait toujours beau, peut être du fait de la caméra de mon père qui laisse sur bandes des instants précis. Mais malgré tout c'était l'été, et l'air était aux grands espaces, les champs, et cette ferme dans son jus qui de mes yeux enfantins était une pierre pleine de recoins, de curiosités, de matières à terre crue, jusque dans la cuisine, salle à manger. C'était cela, la Relette, le minéral, le végétal et le vivant. Toute la nature qui t'embrasse sans retenue.
Et, celle-ci évidemment, passait par les animaux. Ces êtres auxquels tu devais tout, auxquels tu donnais tout avec pépé. J'écris maintenant cela avec, je crois évidemment davantage le regard de papa, mais mes souvenirs s'en trouvent glorifiés. L'endroit que je préférais, était cette petite mare, juste en face. Elle me laisse une image d'enchantement. Je m'y posais et observais, écoutais les croassements de petites grenouilles, un concerto pittoresque pour moi, le gamin parisien qui traînait en forêt. Mais; ici; c'était la ferme des animaux.
L'abreuvoir au milieu, où se croisaient à l'heure de pointe, vaches, poules, je me retrouvais entouré de "cotecote", de pas lourds martelant la pierre, d'odeurs puissantes et vraies. Ah ça envoyait du pur, du sans pour sueur, qui te coulait dans les veines au labeur.
Et puis il y avait ces promenades à sortir les vaches, voir les chevaux auxquels vous attachiez la plus grande affection, encadrés dans les salons et le chien "barron", la grange avec le foin dans lequel je m'allongeais à rêvasser, le tracteur rouge à côté. Et ta voix aiguë à t'entendre encore m'appeler au loin. Et cette onomatopée, si caractéristique qui nous faisait rire, que nous mimions entre frères et sœurs. Ce "boute" comme pour lâcher prise d'événements, à exhorter le futile. Ce son qui ponctuait tes phrases, on aurait dit presque un verbiage animal, qui appelait à rester simple, sans se compliquer la vie. Car celle-ci était entière, sans retenue, juste tout donner pour la ferme, au détriment même d'un peu de sa santé. Les animaux avant tout qui te donnaient instinctivement tout.
Et puis l'âge avançant, il fallait laisser cela derrière, s'installer alors à Vendoeuvre et vivre de cette petite retraite. L'essentiel était là, ton mari, les poules, des lapins, le jardin et la mare à côté.
Alors nous venions, envahir ce plus petit espace mais dans lequel tout était à sa place, chaleureux, avec davantage de confort que la ferme. Tu nous accueillais bras ouvert avec un bon repas qui finissait souvent par une tarte aux mirabelles juteuses dont papa raffole. Il y avait les goûters ou les gâteaux secs s'étalaient dans les assiettes. Tu nous relançais à les finir à tout prix "Allez vas y, prend".
Et ce jardin dans lequel je ne cessais de me mesurer à la corde à linge tendue entre 2 poteaux en béton. Je me souviens encore du lapin, assommé, auquel tu as ôté le pyjama, chaire à vue, toute l'authenticité du geste ou rien ne se perd, même si cela ne faisait jamais plaisir, il fallait le faire.
Et puis un jour, ce talent qui m'apparaît à la brûlure de ma sœur, tu pouvais apaiser la douleur, éteindre le feu comme il se dit. Cet instant était pour moi, comme un spectacle de magie. Totalement fasciné, mais incrédule de mon esprit cartésien qui se forgeait, je jubilais de te voir dicter des incantations en latin du bout de l'aiguille au dessus de la brûlure. Je ne pu m'empêcher de rire et tu m'incita vivement d'un " Mathieu " à sortir de la pièce, ce que je fis aussitôt.
Ah, tu avais, du caractère, de la vivacité, de la ténacité. Et puis pépé s'en est allé, tu es restée courageuse et de nous voir à chaque fois, heureuse. Les discussions en grandissant venaient, tu partageais, donnais tes ressentis souvent nets, à parler de la famille, des petits petits enfants qui venaient peupler tes étagères, et grandissaient de chacun leurs caractères, hérités à coup sûr, selon toi.
Et je suis persuadé qu'en chacun de nous, il y a un peu de toi, de gentillesse, de simplicité, de force à affronter les événements.
Alors je ne suis pas le mieux placé de part mon côté lunaire, et je ressemble à ma mère, oui ok, un peu ; mais pour le supporter de ma hauteur, la tête dans les nuages, il me faut toujours garder les pieds sur terre, ne pas se plaindre et avancer en savourant chaque instants simplement, à ta manière.
Merci donc, de ton esprit à montrer une façon de vivre, que certains dans ce monde turbulent, quelque part cherchent à retrouver.
Je t'embrasse, repose en paix, tu le mérite grandement.